« La compréhension de la Région agitée à proximité des Singularités, pourrait aider les Physiciens et c’est ce qu’ils espèrent, à réconcilier la Gravité et la Mécanique Quantique »
Au début des temps et au centre de chaque Trou Noir se trouve un Point d’une Densité infinie appelé « Singularité ». Pour explorer ces énigmes, nous prenons ce que nous savons sur l’Espace, c’est-à-dire le Temps, la Gravité et la Mécanique Quantique puis nous l’appliquons à un endroit où toutes ces choses s’effondrent. Il n’y a peut-être rien dans l’Univers qui peut défier autant l’imagination. Les Physiciens croient toujours que s’ils parviennent à trouver une explication cohérente de ce qui se passe réellement Dans et Autour des Singularités, quelque chose de révélateur émergera, et peut-être avec elle, une nouvelle compréhension de la composition de l’Espace et du Temps.
À la fin des années 1960, certains Physiciens ont émis l’hypothèse que les Singularités pourraient être entourées d’une Région de Chaos Bouillonnant, où l’Espace et le Temps grandissent et rétrécissent au hasard. Charles Misner qui était un Physicien Américain spécialiste de la Relativité Générale (décédé le 24 Juillet 2023) de l’Université du Maryland l’a appelé un « Univers Mixmaster« , d’après ce qui était alors une gramme populaire d’appareils de cuisine. Si un Astronaute tombait dans un Trou Noir, « nous pouvons l’imaginer mélanger les parties du corps de l’Astronaute de la même manière qu’un Mixmaster ou un batteur à oeufs mélange le jaune et le blanc d’un oeuf », a écrit plus tard Kip Thorne lui-même Physicien et Lauréat du Prix Nobel en 2017 sur ses travaux dans le domaine des Ondes Gravitationnelles.


La Théorie de la Relativité Générale d’Albert Einstein, utilisée pour décrire la Gravité des Trous Noirs, utilise une Équation de Champ Unique pour expliquer comme l’Espace se courbe et la matière se déplace. Mais cette Équation utilise un raccourci mathématique appelé Tenseur pour cacher 16 Équations distinctes et entrelacées.
Plusieurs Scientifiques, dont Charles Misner, avaient élaboré des Hypothèses simplificatrices utiles pour leur permettre d’explorer des scénarios tels que l’Univers Mixmaster.
Sans ces Hypothèses, l’Équation d’Albert Einstein ne pourrait pas être résolue analytiquement, et même avec elles, elle était trop compliquée pour les simulations numériques de l’époque. Tout comme l’appareil qui leur a donné leur nom, ces idées sont tombées de mode. Ces « Dynamiques sont censées être un phénomène très général de la Gravité », a déclaré Gerben Oling, Chercheur Postdoctoral à l’Université d’Édimbourg.
Ces dernières années, les Physiciens revisitent le Chaos autour des Singularités avec de nouveaux outils mathématiques. Leurs objectifs sont doubles. Un espoir est de montrer les approximations faites par Charles Misner et d’autres, sont des approximations valides de la Gravité Einsteinienne. L’autre consiste à se rapprocher des Singularités dans l’espoir que leurs extrêmes contribueront à réconcilier la Relativité Général avec la Mécanique Quantique dans une Théorie de la Gravité Quantique, qui est l’objectif des Physiciens depuis plus d’un siècle.
. LA NAISSANCE DE MIXMASTER CHAOS :
Kip Thorne a décrit la fin des années 60 comme un « âge d’Or » pour la Recherche sur les Trous Noirs. Le terme « Trou Noir » venait tout juste d’être largement utilisé. En septembre 1969, lors d’une visite à Moscou, Kip Thorne reçut un Manuscrit d’Evgeny Mikhailovich Lifshitz (décédé en 1985) qui était un Physicien Théoricien soviétique et membre de l’Académie des Sciences de l’URSS et récompensé du Prix Lénine qui était l’une des plus hautes distinctions accordées du temps de l’Union Soviétique. Avec Vladimir Alekseevich Belinsky et Isaak Markovich Khalatnikov, Evgeny Mikhailovich Lifshitz avait trouvé une nouvelle solution aux Équations de la Gravité d’Albert Einstein à proximité d’une Singularité, en utilisant les Hypothèses qu’ils avaient élaborées tous les trois. Evgeny Mikhailovich Lifshitz craignait que les censeurs soviétiques retardent la publication du résultat car celui-ci contredisait une preuve antérieure dont il avait co-écrit. Il a donc demandé à Kip Thorne de la partager en Occident.



Les premiers modèles de Trous Noirs supposaient des symétries parfaites qui n’existent pas dans la Nature, supposant par exemple qu’une Étoile était une sphère parfaite avant de s’effondrer en Trou Noir, ou qu’elle avait pas de Charge Électrique nette. (Ces Hypothèses ont permis à Karl Schwarzschild de résoudre les Équations d’Albert Einstein, dans leur forme la plus simple, peu après leur publication par Einstein).
La solution trouvée par Vladimir Belinsky, Isaak Markovich Khalatnikov et Evgeny Mikhailovich Lifshitz, qui a été appelée la Solution « BKL » d’après leurs initiales, décrivait ce qui pourrait se passer dans une situation désordonnée et plus réaliste où les Trous Noirs se fermeraient à partir d’objets de forme irrégulière. Le résultat n’était pas un étirement régulier de l’Espace et du Temps à l’intérieur, mais une Mer Bouillonnante d’Espace et de Temps s’étirant et se comprimant dans de multiples directions.
Kip Thorne, a fait rentrer clandestinement le document aux États-Unis et en a envoyé un exemplaire à Charles Misner, dont il savait qu’il partageait les mêmes idées. Il s’est avéré que Charles Misner et le groupe soviétique étaient parvenus indépendamment aux mêmes idées, en utilisant des Hypothèses similaires et des techniques différentes. De plus, le groupe BKL « l’a utilisé pour résoudre le plus grand problème non résolu de l’époque en Relativité Mathématique » avait déclaré Kip Thorne, concernant l’existence de ce que l’on appelle une Singularité « Générique ».
Vladimir Alekseevich Belinski, le dernier membre survivant du trio BKL, a récemment déclaré dans un courriel que les descriptions saisissantes de Charles Misner l’avaient aidé à visualiser la Situation Chaotique à proximité des Singularités qu’ils avaient toutes deux révélées.
Pour comprendre certaines de leurs découvertes, il faut saisir les contradictions entre la Relativité Générale et la Mécanique Quantique. La Relativité en particulier, postule que l’Espace-Temps doit être continu : on peut observer des distances arbitrairement petites sans jamais y trouver de Trou. En Mécanique Quantique, en revanche, il devient insensé de parler de distances inférieures à une limite appelée Longueur de Planck, « au-delà de cette limite, nous ne pouvons pas savoir s’il n’y a pas de Trou dans l’Espace-Temps ». Mais les deux Théories ont un point commun : elles sont toutes deux profondément contre-intuitives.
La Relativité Générale soutient que deux Régions de l’Espace peuvent être déconnectées, ce qui signifie que rien de ce qui se passe dans l’une ne peut avoir d’effet sur l’autre. Cela peut simplement être dû au fait qu’elles sont très éloignées l’une de l’autre « la Vitesse de la Lumière est finie ». Mais des Régions de l’Espace-Temps peuvent également se déconnecter, ou se découpler, en présence de Champs Gravitationnels puissants, tels que ceux que l’on trouve à l’intérieur d’un Trou Noir. Ces Champs ralentissent tellement l’écoulement du Temps que l’interaction devient impossible. Par exemple, l’intérieur et l’extérieur d’un Trou Noir sont découplés par une limite appelée « Horizon des Évènements ». Comme la Gravité du Trou Noir est si forte, tout ce qui se passe à l’intérieur de l’Horizon des Évènements ne peut jamais être observé depuis l’extérieur du Trou Noir, selon la Relativité Générale. (La Mécanique Quantique introduit des complications supplémentaires).
Comme les forts Champs Gravitationnels peuvent provoquer un découplage de l’Espace, le groupe BKL avancé que, lorsqu’on se rapproche de la Singularité, la forte Gravité provoque le découplage de chaque Point de l’Espace par rapport à tous les autres. Cela signifie que chaque minuscule partie de l’espace se comporte selon ses propres conditions, ce qui simplifie considérablement les mathématiques (bien que toujours compliquées). Si le découplage a lieu, ils ont montré que l’intérieur d’un Trou Noir est méli-mélo. Contrairement à l’étirement régulier de l’Espace et du Temps que suggérait la solution précédente de Karl Schwarzschild.
Comme l’a expliqué Sean Hartnoll, bien que l’argument de BKL, ne soit pas entièrement rigoureux selon les normes mathématiques, jusqu’à ce qu’ils avancent l’idée, personne n’avait anticipé que le découplage se produise. BKL, a-t-il dit, était très en avance sur son temps.
Selon eux, autour de chaque Point Découplé, l’Espace s’étire dans une direction aléatoire et se comprime dans les deux autres directions perpendiculaires. Puis, après un cout laps de temps mais aléatoire, il se retourne, s’étirant dans l’une des directions précédemment comprimées et se comprimant dans les deux autres. On peut comparer cela à un ballon de football extrêmement allongé qui « rebondit » sans cesse entre différentes orientations.
Depuis des décennies, les Physiciens et les Mathématiciens cherchent à démontrer que ces Dynamiques Chaotiques ne sont pas un Artefact de l’Hypothèse simplificatrice du découplage, mais qu’elles sont inhérentes aux Trous Noirs. Au début des années 2000, la puissance de calcul en croissance exponentielle et les nouveaux Algorithmes permettent de réaliser des simulations numériques compatibles avec le découplage. À la même époque, Marc Henneaux, Thibault Damour et Hermann Nicolai prouvent l’existence d’un certain nombre de symétries complexes à proximité d’une Singularité, sans supposer qu’un découplage doit nécessairement se produire. Depuis, les Physiciens et les Mathématiciens s’efforcent de déterminer à quel moment le Chaos apparaît à proximité d’une Singularité et de déterminer ce que l’on peut en dire de plus sur les Singularités elles-mêmes.



. Un Hologramme simplificateur :
En 1997, Juan Martin Maldacena, Physicien aujourd’hui à l’Institute for Advanced Study, a découvert une correspondance, connus sous le nom d’AdS/CFT, entre deux versions différentes de l’Espace-Temps. L’une de dimension supérieure appelé le « Volume » et l’autre, un Espace-Temps de dimension inférieure appelé « Frontière ».
Cette « Correspondance » est souvent comparée à la façon dont un Hologramme peut faire apparaître des structures Bidimensionnelles comme Tridimensionnelles. Également appelée « Dualité », elle signifie que les solutions obtenues dans l’un des deux Univers-jouets s’appliquent également à l’autre.
La Gravité n’apparait que du côté de la correspondance à dimension supérieure, appelé « Espace anti de Sitter« , ou AdS. Du côté de la « Frontière », il n’y a pas de Gravité. Les interactions entre les Particules y sont régies uniquement par une version de la Mécanique Quantique appelée « Théorie des Champs Conformes », ou CFT. On peut utiliser AdS/CFR pour poser un problème complexe d’un côté, le traduire en une forme plus simple de l’autre et traduire une solution en retour. Un outil extrêmement puissant pour les Physiciens cherchant à comprendre les phénomènes Gravitationnels tels que les Trous Noirs. (certains problèmes sont plus faciles du côté AdS, tandis que d’autres sont plus faciles du côtés CFT).
En 2019, Sean Hartnoll, alors Professeur à Stanford et ses étudiants, ont entrepris d’utiliser la Correspondance pour découvrir ce qui se passe à l’intérieur d’un Trou Noir AdS. « Nous voulions faire cela », a expliqué Sean Hartnoll, « pour relier l’intérieur d’un Trou Noir, mal compris, à la Région Lointaine, bien comprise ». Ils ont découvert un Chaos similaire à celui découvert précédemment par BKL. Au cours des cinq dernières années, lui et ses collaborateurs ont continué à utiliser la Correspondance pour analyser la Dynamique des Trous Noirs.
Après la découverte de Sean Hartnoll d’un Chaos de type BKL dans AdS/CFT, d’autres ont tenté de comprendre sa cause exacte. Gerben Oling explique que la découverte par Sean Hartnoll du Mixmaster dans les Trous Noirs AdS/CFT a été une surprise. L’équipe de Sean Hartnoll « a découvert que ce comportement apparaît dans des environnements où elle ne s’y attendait pas », explique-t-il. Avec Juan Pedraza de l’Institut de Physique Théorique de Madrid, Gerben Oling a montré qu’il apparaît même dans un modèle AdS/CFT miniature où la Vitesse de la Lumière est fixée à zéro. Gerben Oling précis que Marc Henneaux, entre autres avait anticipé ce phénomène , mais que la preuve n’était pas acquise. « Pour moi, ce n’est pas évident », conclut Gerben Oling, « car cela simplifie énormément la Théorie ».
Parallèlement, les Mathématiciens ont abordé le Chaos de type BKL de leur propre point de vue en réduisant les Hypothèses nécessaires pour prouver que le Chaos émerge, et en vérifiant s’il doit survenir même sans l’Hypothèse de découplage.
Comme on pouvait s’y attendre modéliser des Rebonds Chaotiques et imprévisibles dans l’Espace-Temps représente un défi. Récemment, Sean Hartnoll et son étudiant Ming Yang, ont tenté de calculer la moyenne des nombreux Rebonds dans un Trou Noir. Dans une prépublication, publiée le 4 Février 2025, ils ont découvert, grâce à cette technique, un modèle lié à des Fonctions Mathématiques Abstraites appelées « Modulaires ». Cela suggère qu’un langage mathématique connu peut être utilisé pour comprendre le Chaos. « Ces modèles pourraient indiquer une Structure Gravitationnelle cachée sous-jacente », a déclaré Sean hartnoll. « cela pourrait faciliter la formulation d’une Théorie Quantique de la Gravité ». Même si l’Horizon des Évènements nous empêche d’observer directement le Chaos à l’intérieur des Trous Noirs, connaître son existence et sa signification pourrait ouvrir la voie à une Nouvelle Physique et à des réponses à certaines de nos plus grandes questions sur la Réalité elle-même.